tempête sur le delta

Publié le par OBI NO MAG DAN Sémou DIOUF

Episode 2 TEMPETE SUR LE DELTA.

L’eau tiède de l’embouchure, semble encore plus claire sur ce fond de sable blanc. La plage nous attend. En débarquant sur l’île, je réalise que je n’ai pas été le seul à prendre du poisson, trop absorbé que j’étais à ma lutte, Sémou vient de poser 3 belles ombrines et 2 petites carangues sur un tronc de coco couché par le vent et s’apprête à les préparer pour le repas. Le feu est allumé et c’est Labeyne qui s’y colle, je sens déjà les crevettes qui s’expriment avec force dans le canari lorsque je sors la tête de l’eau. Le repas s’achève dans la bonne humeur à l’ombre du figuier étrangleur, tous se lèchent les doigts.

Tranquillement chacun vaque à ses occupations : les uns optent pour la somnolence les pieds dans l’eau ou la tête au soleil, les autres s’activent au rangement et à l’appareillage. Nous quittons ce rivage de Robinson pour nous enfoncer dans les dédales du delta en direction du village de Falia ;

Le dernier regard lancé par Sémou en direction du sud laisse des traces d’inquiétude sur son visage d’habitude rieur, je suis la direction et ne rencontre pourtant rien d’alarmant, si ce n’est un bout de ciel noir au coin d’un grand soleil par-dessus la mangrove ; cependant je le vois s’entretenir avec Labeyne le piroguier surfeur qui acquiesce de la tête à chaque phrase. Le wolof m’étant totalement étranger je me vois mal à essayer de comprendre ; je pose donc la question. Eh bien ! C’est justement ce petit bout de ciel noir tout là-bas qui les inquiète.

Le geste du bras me fait tourner la tête et constater que du petit bout de ciel nous nous sommes passés à l’horizon tout entier, bah… les orages on connait ! nous allons prendre un bon grain ! 

 Notre trajet qui devait emprunter une large part de l’embouchure, comme nous l’avions fait précédemment, vient d’être modifié pour couper au plus prés et prendre le bolong Gokehar au raz des passes Lagoba.        Dommage !    J’aimais bien la glisse sur les vagues ! La mer d’huile file silencieuse jouant des reflets de ciel dorés, je laisse pendre mon bras par-dessus bord, ma main entre en contact avec notre sillage et je caresse sa tiédeur.

Nous virons au plus prés au droit des îlots Bitch, la mangrove nous accueille, verte et brune, profonde et silencieuse, comme pour rajouter à cette impression d’Amazone le ciel s’assombrit, le vert absorbe la lumière, les oiseaux se taisent et ne s’envolent pas sur notre passage ; à cette hauteur du delta le bras de mer est encore large et nous naviguons au milieu.

Le vent se lève sans prévenir, sur les conseils de Sémou, nous enfilons nos poncho de couleur, pourtant la pluie ne semble pas là ! au moins ceux-ci offrent une protection au vent qui maintenant nous fait face et fait lever la houle. Tout s’accélère.

La pirogue se tend vers la vague, la lame blanche d’écume,  et la fend, tout son corps en tressaute. A bord tout s’accélère aussi, la bâche bleue est déployée et aussitôt installée dans des claquements secs de vent rageur et tous nous y glissons le dos courbé. Les regards se croisent, peu de mots.  Le plastique bleu amplifie les bruits de la pluie qui commence à battre sérieusement. L’eau , maintenant s’infiltre partout, l’abri nous semble illusoire, les vêtements sous les ponchos nous collent à la peau. Les impacts sur la toile ne sont plus distincts, mais s’agglutinent en un vacarme continu. Des torrents de pluie se frayent un chemin par tous les interstices et nous inondent, le dos, les jambes, les pieds, nos têtes penchées vers l’avant laissent pendre des cascades de cheveux à moitié collés sur nos joues humides.

Sur le pont découvert, l’eau d’en haut a rejoint l’eau d’en bas, et je me demande si l’étrave sait encore ce quelle fend ou éclabousse. L’horizon a chaviré et touche nos doigts. L’univers est aquatique, blafard, verdâtre, éclairé de zébrures qui claquent mais dont on ne distingue que la clarté fugitive. En haut en bas difficile de se situer !

Dans ce monde tiède et liquide, le contact de bois est rassurant, on s’y blottit , comme pour mieux sentir sa respiration et là tous nous ressentons son combat, nous voudrions aider le Yamaha essoufflé par les gerbes d’eau qu’il ingurgite, tous dire au piroguier au visage giflé de prendre un coin, avec nous, de bâche bleue. Je le distingue encore , alors que le vent s’intensifie et rajoute à la force de l’eau, écartant, d’un revers négligeant et tranquille l’eau de ses yeux que je devine plissés, il est debout, il tient la barre et la tient bien.

Le vent peu à peu faiblit et tout à coup cesse complétement, maintenant c’est la pluie qui mollit et l’horizon qui revient, suivi du soleil et très vite de la chaleur. La bâche bleue est rangée à l’avant, on écope en riant. Pour un grain c’est un grain,  décidemment nos guides ne font pas les choses à moitié pour nous procurer des sensations !!

Le thé chauffe sur son petit fourneau …. Que du bonheur !!

DOMINIQUE

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